Comme vous avez pu le lire dans la 1ère partie de cet article (La clé de voute de l’entretien annuel … et de tous les autres), il est essentiel d’adopter une posture assertive et ouverte pour s’assurer que cet entretien se fasse dans un contexte de transparence et de confiance mutuelle.
Au-delà de cet aspect communication, pour être bien mené, l’entretien annuel se doit d’être structuré en séquences dont l’ordre est essentiel pour engager votre collaborateur. Ce sont ces différentes étapes que nous allons parcourir ensemble et ce sont celles sur lesquels nous entrainons nos stagiaires lors de nos formations. Mais, avant toute chose, laissez-moi vous partager les quelques pièges dans lesquels tombent encore de nombreux managers.
Les pièges à éviter
L’expérience professionnelle des formateurs Hominance ainsi que l’immersion chez nos clients nous amènent à identifier un certain nombre de pièges à éviter lorsqu’on se lance dans une campagne d’entretien annuel :
- Profiter de ce moment pour traiter tous les sujets du moment
- Respectez la règle d’or : un entretien, un objectif
- Ignorer la préparation du collaborateur
- L’entretien annuel est un échange de vision qui se doit d’être factuel et fluide. Ne pas prendre en considération la préparation de votre collaborateur rendra votre propre préparation incomplète et vous propulser, par moment, dans l’inconfort.
- Comparer les collaborateurs entre eux
- Chacun de vos collaborateurs est unique et il s’agit de les traiter comme tel. Les resituer dans une moyenne collective est possible, les comparer à untel on évite.
- Se concentrer uniquement sur les points négatifs
- Une des étapes de l’entretien annuel est le bilan et ce dernier se doit d’être complet
- N’avoir en tête que les derniers mois de l’année
- Curieusement, encore beaucoup de nos clients ne formalisent pas les feedbacks qu’ils font tout au long de l’année à leurs collaborateurs (quand ils en font …) ; quand je parle de feedback, je parle de tous ces entretiens individuels pour féliciter, ‘’corriger’’, recadrer, remotiver etc. Et quand je parle de formalisation, je parle de compte-rendu écrit à l’issue de l’entretien. Or, sans ces feedbacks et cette formalisation, comment se rappeler, pour chacun de ses collaborateurs, ce qui s’est passé tout au long de l’année ? Comment être factuel dans ce cas ?
Enfin, le dernier piège est celui d’oublier de structurer son entretien. C’est justement l’objet de cet article 😉 vous partager la structure adéquate pour dérouler vos entretiens annuels.
Étape 1 : Prenez le temps de préparer et … de faire préparer
La préparation est la clé de tout entretien (et j’insiste sur TOUT 😉). Bien préparer est la garantie d’être agile et efficace tout au long de son entretien. Et c’est valable tant pour le manager que pour le collaborateur.
Mais, que préparer exactement ? et Comment ?
Un bilan … annuel
Comme je l’ai souligné plus haut, l’entretien annuel s’inscrit dans un dispositif plus large de suivi régulier. Tout au long de l’année, vous devez avoir réalisé différents types d’entretiens individuels avec vos collaborateurs dont les objectifs, conclusions et engagements réciproques ont été formalisés.
Il s’agit alors de reprendre l’ensemble de ces compte-rendu afin de réaliser le bilan de cette année écoulée de manière la plus objective possible c’est-à-dire en vous appuyant sur les faits consignés.
Les questions clés à se poser
Afin de cadrer votre réflexion, il y a plusieurs questions à vous poser de manière à disposer des éléments essentiels à votre échange futur.
En voici quelques-unes, la liste n’étant pas exhaustive :
- Sur le bilan de l’année écoulée
Quels sont les objectifs fixés l’année dernière, et ont-ils été atteints ? Si non, pourquoi ?
Quels sont ses succès notables? Comment les a-t-il atteints ?
Quelles difficultés ou obstacles a-t-il rencontrés, et comment les a-t-il gérés ?
Quels comportements ou attitudes ont eu un impact positif sur l’équipe et l’entreprise ?
Y a-t-il eu des axes d’amélioration identifiés l’année passée ? Ont-ils été travaillés ?
- Sur sa performance et ses compétences
Comment j’évalue ses compétences techniques et comportementales ?
Quelles sont les compétences dans lesquelles il excelle ?
Quels sont les domaines où des progrès sont encore nécessaires ?
Comment sa performance se situe-t-elle par rapport à celle de ses pairs ou à mes attentes ?
- Sur sa motivation et sa satisfaction
Qu’est-ce qui semble le motiver le plus dans son travail ? Est-il toujours satisfait ?
Y a-t-il des signes de démotivation, de frustration ou de désengagement ?
Ai-je identifié des opportunités pour renforcer sa motivation ?
- Sa collaboration et ses relations professionnelles
Comment j’évalue la qualité de sa collaboration avec ses collègues ?
Comment se passe la communication entre nous deux ? Y a-t-il des ajustements à apporter ?
Y a-t-il des conflits ou des tensions auxquels il a participé ou qu’il a aidé à résoudre ?
- Son développement professionnel
Quelles sont ses aspirations professionnelles pour les années à venir ?
A-t-il exprimé des besoins en formation ou en développement ?
Existe-t-il des opportunités pour enrichir son rôle ou ses responsabilités ?
- Ses objectifs pour l’année à venir
Quels objectifs puis-je lui fixer pour l’année prochaine ?
Quels indicateurs ou critères permettront d’évaluer la réussite de ces objectifs ?
Quels soutiens ou moyens puis-je lui apporter pour réussir ?
- Son organisation et son équilibre
Sa charge de travail est-elle adaptée ?
Est-il bien organisé dans la gestion de son temps et de ses priorités ?
A-t-il trouvé un bon équilibre entre vie professionnelle et personnelle ?
Pensez bien à relever des éléments factuels qui illustrent l’ensemble de ces points (d’où l’intérêt de disposer de compte-rendu de feedbacks antérieurs 😉)
Et la préparation du collaborateur ?
Comme stipulé dans les pièges, il s’agit de guider la préparation de vos collaborateurs et de l’utiliser lors de l’entretien. Les guider dans cet exercice vous garantit qu’ils prennent le temps de se poser, eux aussi, les bonnes questions tant sur leurs résultats de l’année écoulée que sur les aspirations qu’ils peuvent avoir pour celle à venir. Quand je parle d’aspiration, je ne parle pas uniquement de rémunération 😉 mais également des objectifs sur lesquels ils envisagent de se challenger et les moyens dont ils ont besoin pour les atteindre.
Anticipez cette préparation avec un rappel à M-1 afin de leur laisser le temps de la réflexion.
Cadrez (bien) votre entretien
Qui n’a pas déjà vécu un entretien annuel qui prend des allures de règlement de compte ? ou de fourre-tout car on profite du moment ? Un entretien qui dure 2 fois plus longtemps que prévu car on s’est dispersé ? Ou un entretien qui vous paraît durer une éternité ?
Bien que nous ne puissions pas nécessairement tout éviter (ou anticiper), cadrer l’entretien est primordial pour
- Limiter toutes les situations citées ci-dessus
- Donner du sens pour le collaborateur sur l’intérêt de ce moment pour lui
- L’engager dans un échange constructif
Il convient donc de prendre quelques minutes pour
- Énoncer l’intérêt pour le collaborateur (évitez le ‘’on est là pour ton entretien annuel, comme tous les ans …’’ 😏). Prenez la perspective de l’année à venir en vous appuyant sur son contexte et ses aspirations. Par exemple : ‘’l’objectif de cet échange aujourd’hui est de se donner la vision d’une année plus sereine pour toi » (si nous sommes dans un contexte où le collaborateur a vécu une année »chahutée ».
- Présentez-lui la structure de cet entretien, quelles en sont les différentes séquences qui le compose (réaliser le bilan de l’année écoulée, déterminer les objectifs de l’année à venir etc.)
- Validez le temps imparti et demandez-lui son accord sur tous ces points
J’insiste sur l’obtention de son accord car ce dernier conditionne, en partie, le bon déroulement de l’entretien. En effet, cette démarche s’appuie sur la théorie de l’engagement qui repose sur l’idée que les individus ont tendance à respecter les décisions ou les actions qu’ils ont prises de manière libre et volontaire, car elles engagent leur responsabilité personnelle. En engageant le collaborateur à valider la structuration de l’entretien, celui-ci se sent davantage propriétaire du processus et des décisions prises. Il devient alors plus difficile pour lui de se désengager sans ressentir une forme de dissonance cognitive ou d’inconfort moral. L’implication auprès d’autrui renforce la pression sociale et la cohérence interne, ce qui pousse le collaborateur à respecter les engagements pris, même face à des obstacles.
Pour le manager, il s’agit donc non seulement d’impliquer le collaborateur dans les étapes de l’entretien, mais aussi de lui donner un rôle actif et visible, consolidant ainsi son engagement envers le processus et les objectifs définis.
Dressez le bilan de l’année passée
Dans toutes les formations que nous dispensons chez Hominance, c’est l’étape la plus difficile pour les managers lors des mises en situation. Pourquoi à votre avis ?
Parce que bon nombre de managers ont pour habitude de débuter cette phase en posant leur bilan, leur vision de cette année écoulée. Certains prennent un temps après cela pour interroger le collaborateur sur sa vision, d’autres non …
Or, si en tant que manager, vous commencez par partager votre vision des choses, vous risquez d’activer chez votre collaborateur un des mécanismes de défense détaillé dans la 1ère partie de cet article. Et, à partir de là, l’entretien deviendra beaucoup moins constructif. La conséquence directe sera alors une fixation des objectifs plus difficile et, donc, un manque d’adhésion sur l’année à venir.
La raison s’appuie sur 2 biais cognitifs bien connus : le biais de statu quo et le biais d’endogroupe.
Ces derniers justifie qu’il n’y ait qu’une seule démarche pour réaliser le bilan du collaborateur : le guider par un questionnement efficace pour identifier et prendre conscience de ses succès et de ses échecs.
Je m’explique …
Le biais de statu quo : la résistance au changement imposé
Le biais de statu quo pousse les individus à préférer maintenir les choses telles qu’elles sont. Lorsqu’une correction vient d’une source externe (par exemple, de vous, en tant que manager), votre collaborateur peut instinctivement percevoir cette intervention comme une perturbation de son équilibre mental ou de ses habitudes de travail.
Cette résistance au changement imposé est souvent inconsciente. Si vous dites : « Tu as fait une erreur, voilà ce qu’il faut corriger », votre collaborateur risque de se braquer ou de rationaliser son comportement pour justifier son action. En revanche, en l’encourageant à analyser lui-même son travail et à trouver l’erreur, vous respectez son statu quo initial tout en l’amenant à intégrer progressivement la nécessité d’un changement. Ce processus limite la résistance, car le besoin de correction semble venir de lui-même, et non d’une source externe.
Le biais d’endogroupe : la valorisation des idées personnelles
Le biais d’endogroupe reflète notre tendance à accorder davantage de valeur aux idées ou solutions qui viennent de nous-mêmes ou de notre groupe. En d’autres termes, si votre collaborateur identifie lui-même son erreur et propose une solution, il aura tendance à s’approprier cette démarche et à accorder plus d’importance à son propre raisonnement.
Si, au contraire, vous lui indiquez directement ce qu’il a mal fait et comment le corriger, il risque de ne pas percevoir autant de valeur dans la solution, car elle n’émane pas de lui. En le guidant subtilement pour qu’il arrive à ses propres conclusions, vous renforcez son engagement et sa confiance en ses capacités.
En conclusion Laisser vos collaborateurs identifier leurs propres erreurs n’est pas seulement une question de pédagogie, c’est une stratégie psychologique ancrée dans le fonctionnement de notre cerveau. Respecter leur besoin de maintenir leur statu quo tout en leur permettant de valoriser leurs propres idées garantit une correction plus efficace et durable.
En tant que manager, votre rôle est alors de poser les bonnes questions, de créer un environnement propice à la réflexion et de guider sans imposer. Vous verrez que cette approche, fondée sur ces deux biais cognitifs, renforce non seulement les compétences de vos collaborateurs, mais aussi leur satisfaction et leur autonomie.
À nouveau, je vous engage à consulter notre article très complet sur le sujet du questionnement dans notre blog : ‘’Sachez (bien) questionner’’
Ce bilan N-1 pose les bases pour l’étape suivante : la fixation des objectifs. Au regard de l’ampleur de ce sujet, j’ai décidé d’y dédier un article complet que vous retrouverez dans notre blog dans les semaines à venir.
D’ici là, contactez-nous pour accompagner vos collaborateurs sur cet exercice essentiel qu’est l’entretien annuel.