Manager et émotions

Ne faisons pas l’autruche ! Nous sommes tous pétris d’émotions, et il est impossible, malgré la meilleure volonté du monde, de laisser derrière nous cette réalité biologique lorsque nous franchissons les portes de l’entreprise.

Et comme ces émotions régissent notre rapport aux autres et à nous-même, mieux vaut savoir les identifier, saisir ce qu’elles impliquent, et apprendre à les maîtriser, afin de ne pas laisser se déchaîner notre tigre intérieur !

Car que ce soit côté managers ou côté collaborateurs, nos émotions sont à l’origine de nos décisions.

Les émotions au service (ou pas) de la décision

Voyons d’abord en quoi nos émotions influencent nos décisions.

Les neurosciences mettent en évidence la relation directe entre centre des décisions et émotions, grâce au cortex préfrontal. D’ailleurs, des chercheurs ont montré que si l’on supprime les parties du cerveau liées aux émotions, l’homme devient un légume incapable de prendre la moindre décision.

Que ce soit la peur ou la joie, si la décision se forge dans la pensée, elle est toujours traduite en actes : complémentaires de l’analyse rationnelle, les émotions vont venir appuyer une décision ou aider à faire le tri parmi les différentes options qui s’offrent à nous.
Lorsque nos émotions sont un peu trop présentes dans l’influence sur la décision, elles peuvent alors poser problème : prendre des décisions dans la précipitation, ne pas arriver à en prendre…

Si l’on fait un parallèle avec un sport comme le tennis par exemple, on voit bien comment, d’un tennisman à l’autre, des émotions non canalisées peuvent, au-delà du niveau de performance physique, interférer dans le cours du jeu, et donc dans le résultat final.

Par conséquent, pour être correctement guidé par nos émotions, il nous appartient de bien nous connaître. Pour cela, nous devons identifier nos freins : quelles sont nos (fausses) croyances, nos pensées limitantes ?

On se met tous des barrières

Nous sommes tous involontairement dirigés par des messages qui nous reviennent, tels des boomerangs, depuis l’enfance : ce sont des injonctions héritées, à force de répétition, de notre éducation, que nous continuons à nous auto-seriner, bien malgré nous. Une sorte de perversion masochiste inconsciente !

Parfois dévalorisants, ces messages peuvent être à l’origine de situations de stress et de baisse d’estime de soi. Par voie de conséquence, ils entraînent des problèmes relationnels au sein de l’entreprise.

Ces injonctions sont appelées « drivers » et il en existe 5 principaux :

Ces messages sont, en soi, à la fois des atouts et des inconvénients potentiels.

Car dès le moment où nous identifions et comprenons nos drivers, et dès l’instant où nous nous en donnons la permission, nous pouvons les utiliser à bon escient plutôt que de subir leur emprise.

Ainsi, on pourra :

  • viser la qualité sans se noyer dans les détails ;
  • s’autoriser à se tromper et apprendre de ses erreurs ;
  • oser demander un conseil ou de l’aide ;
  • s’autoriser à réussir sans se compliquer la vie ;
  • aider ou soutenir les autres tout en sachant dire non ;
  • être efficace dans le rush sans travailler systématiquement dans la précipitation.

À noter : chaque individu a sa propre carte d’identité des drivers, c’est-à-dire un cocktail unique de ces « drivers » à des dosages différents.

Les comportements refuges

Face à une situation relationnelle compliquée, chaque individu va mettre en place une stratégie de défense située dans sa zone de confort : le repli, l’attaque, la manipulation ou la fuite.

Ces comportements renvoient à des besoins liés à des menaces.

  • Repli = besoin de sens à ce qu’on fait, de cohérence. Besoin de se sentir utile.
  • Attaque = besoin de reconnaissance et de challenges.
  • Manipulation = besoin de contrôle et de reconnaissance.
  • Fuite = besoin d’être rassuré sur ses capacités à affronter les situations. Besoin de sécurité.

En tant que manager, le but du jeu est d’extraire vos collaborateurs de leurs comportements refuges pour les rassurer et les remettre dans une dynamique positive.

Face à une attitude de repli, on tentera d’amener le collaborateur à communiquer en montrant écoute attentive et bienveillance. Et en l’encourageant à donner son avis en lui donnant la parole ou en lui posant des questions.

Face à une réaction agressive, prenez du recul en imaginant l’intention positive de votre interlocuteur, respirez avant de répondre, donnez votre point de vue de façon posée et sans vous justifier.

Face à un comportement manipulateur, clarifiez au maximum les sous-entendus, recentrez vers le sujet de départ quand vous repérez une digression, invitez à donner des argumentations précises si êtes mis en cause, et formalisez au maximum par écrit.

Face à une stratégie de fuite, aidez le collaborateur à s’exprimer en lui demandant son avis, valorisez ce qui a déjà été affronté avec succès pour le rassurer, positivez ses suggestions et incitez-le à développer son idée.


N’oublions pas que l’actualité sanitaire est déstabilisante pour tous, et que la Covid nous met à l’épreuve nerveusement : perte de clients, plan de sauvegarde d’emplois, baisse de rémunération, incertitude générale face à l’avenir… Autant de réjouissances qui ne ménagent pas notre mental, entraînent stress et émotions négatives, et aboutissent à des relations conflictuelles.

L’intelligence émotionnelle

Savez-vous qu’il existe, au même titre que le QI, le QE ? Le Quotient Émotionnel ?

L’intelligence émotionnelle permet de développer ses capacités relationnelles, et ainsi d’améliorer son leadership, de décider plus efficacement, de mieux gérer les cas complexes.

On sait bien que la pression et le stress réduisent souvent nos capacités de décision : à travers les techniques de gestion émotionnelle, on peut réguler nos émotions et canaliser les tensions qui nous envahissent.

On favorise alors le climat serein nécessaire à une prise de décision efficace et on accroît nos performances et nos opportunités.

Un manager intelligent émotionnellement, ça sert à quoi ?

Avoir un management émotionnel, c’est indispensable : que ce soit l’enthousiasme, la conviction, le courage ou l’appréhension, l’indignation, le doute… Toutes ces émotions ont une utilité, à partir du moment où elles sont domptées et qu’elle servent à donner du sens et mobiliser les équipes.

Apprendre à gérer ses propres émotions mais aussi celles de vos collaborateurs vous permet, en tant que manager, de :

convertir des pensées limitantes en facteurs de succès ;

gagner en crédibilité et en authenticité auprès de votre équipe ;

fédérer autour de vous et développer votre leadership.

En effet, acquérir des clés de gestion émotionnelle, c’est d’abord apprendre à connaître et dompter ses propres émotions, pour mieux se décentrer ensuite et se tourner vers les besoins de chacun au service du collectif.

Lorsque l’on sait capter et gérer les émotions des autres, on a entre les mains un couteau-suisse relationnel considérable pour améliorer le management dans son ensemble.

Porter de l’attention à chacun, apporter de la cohésion au sein des équipes, désamorcer les situations difficiles ou les conflits larvés, tout devient plus simple !

Si, en plus, vous n’oubliez pas d’encourager et féliciter vos troupes, la motivation sera au rendez-vous.

Manager, sortez de votre driver « sois fort »

Nous l’avons vu, le driver « Sois fort » enjoint à ne pas montrer ses émotions, car il vient du discours « un garçon, ça ne pleure pas » ou « ce qui ne te tue pas te rend plus fort »…

Demander de l’aide relève pour lui d’un aveu de faiblesse.

Donnant l’image d’une personne autonome et indépendante, il se révèle parfois méprisant et rigide face aux plus faibles.

Il semble n’avoir besoin de l’aide de personne, ce qui peut susciter l’admiration, mais aussi l’isoler à son propre détriment.

Si vous vous reconnaissez dans ce driver « Sois fort », et que vous êtes manager, vous pouvez commencer par en identifier les avantages et les inconvénients. Ensuite, essayez de vous autoriser d’autres comportements dans les situations ou le message « Sois fort » vous dessert plus qu’il ne vous apporte d’avantages.

L’émotion, c’est la différence entre nous et un légume.

Exprimer vos émotions, les vôtres et celles des autres, c’est d’abord entrer en lien avec l’autre, l’aider à s’intéresser, à comprendre, à décider ou à adhérer. Et c’est bien ce qui est le plus difficile à obtenir sur des projets complexes, comme ceux liés aux grandes mutations au sein de l’entreprise.

Cultivez l’authentique et soyez juste humain !

Ce n’est probablement pas dans votre nature première, mais mieux vaut montrer votre humanité, et donc ses limites, que faire semblant d’être sûr de vous. Votre langage corporel vous trahira de toute façon un jour ou l’autre, et une émotion fabriquée ou un manque d’émotion seront vite démasqués.

Travaillez sur ses émotions n’est pas chose simple, mais avec un peu d’accompagnement, vous pourrez identifier comment les utiliser pour valoriser votre management et renforcer votre message.

Managers, reconnectez-vous à vos émotions, et laissez-les irriguer vos indicateurs et autres tableaux de bord !

Managers, vos collaborateurs (aussi) ont des émotions