Je dis souvent aux managers que j’accompagne : « si vous savez poser les bonnes questions, vous aurez fait 90 % du job ».
En effet, le rôle du manager est de faire grandir ses collaborateurs, donc de leur donner suffisamment de feed-back pour les aider à progresser.
Leur donner le pouvoir sur leur propre amélioration, sur leur propre transformation, par le biais d’une approche pédagogique, plutôt que fondée sur l’injonction et le contrôle.
Pourquoi est-ce une approche plus efficace ?
On sait qu’une prise de conscience du collaborateur sur ses marges de progrès et les moyens d’atteindre ses objectifs est plus efficace que s’entendre (im)poser un plan d’action par son manager.
En effet, on met plus facilement en œuvre des actions décidées de notre propre chef et dont le sens est clair pour nous, que des actions liées à des injonctions d’une personne extérieure.
Faites un sondage : qui, dans votre entourage, a réussi à arrêter de fumer parce que cela a été exigé de lui ? Très peu de monde, n’est-ce-pas ? Qui, en revanche, a renoncé volontairement au tabac, suite à une approche pédagogique, et avec quel succès ?
La démarche souhaitable du manager est donc de prendre le temps de poser des questions sur une situation, pour faire émerger la prise de conscience du collaborateur. Dans ce contexte, on oublie le sempiternel »qu’en as-tu pensé ? », dont on écoute rarement la réponse car on a déjà en tête ce qu’on veut dire ensuite…
Car le travers que je constate est qu’au moment de poser ces questions (en général limitées à 2 ou 3 tellement il a hâte d’exprimer sa vision des choses), le manager a tendance à :
- soit donner son avis (‘« ah oui, moi aussi j’ai trouvé que… »),
- soit poser des questions induites, du genre « au lieu de faire ça, qu’aurais-tu pu faire pour… ? » Et cela sous-entend « de mon point de vue, tu as mal fait quelque chose ».
Il y a quand même mieux à dire pour amorcer une discussion constructive !
Par conséquent, la première chose à rectifier dans les automatismes plus ou moins heureux des managers, c’est de pratiquer l’écoute active : poser les questions qui susciteront une véritable réflexion créative chez leurs collaborateurs, et sans jugement.
Les bonnes questions
L’écoute active nécessite de savoir écouter avec attention, avec sincérité, exige de ne pas se laisser tenter par l’interprétation. On cherche à comprendre le point de vue de l’autre, sans le comparer à son propre vécu. On s’applique à identifier ce qui peut représenter un frein dans la réussite d’une mission, pour mieux accompagner ensuite.
Ensuite, on pose les questions qui permettront de faire émerger des réponses, des solutions, de l’initiative même du collaborateur.
Ces questions ne doivent pas embarrasser, agresser ou rabaisser. Au contraire, elles sont là pour inviter à ouvrir son champ des possibles, susciter la curiosité et envisager des réponses originales.
Poser des questions, c’est aussi savoir rebondir sur ce que dit son collaborateur et l’encourager à aller plus loin dans sa réflexion, à creuser et développer son idée :
« Que veux tu dire par là ?’ », « Qu’entends-tu par… ? », « C’est à dire ? »
L’interlocuteur s’en trouve valorisé, car il voit que ses idées comptent aux yeux du manager. Ainsi, il va avoir à cœur de faire évoluer une problématique dans le bon sens.
Pensez à reformuler les réponses pour éviter de tomber dans les pièges de la supposition, de l’interprétation ou de la sélection… La reformulation permet de clarifier et éviter les incompréhensions.
Enfin, évitez les tournures négatives dans vos questions. Optez plutôt pour des questions ouvertes, à la forme affirmative, qui font référence à du positif : « Quels avantages pourrait-on tirer de ce nouveau système ? ».
Les questions à éviter à tout prix
Naturellement, il est désolant de ne pas être capable d’écouter vraiment ce qu’un collaborateur a à dire. Car les questions induites seront forcément déconnectées de ses réels besoins, et donc peu efficientes, voire contre-productives.
Si le manager ne sait pas ouvrir la discussion, en invitant le collaborateur à s’exprimer, s’il ne le met pas en confiance, il y a peu de chance qu’il soit enclin à partager ses doutes ou ses freins, et donc qu’il soit professionnellement épanoui. Et avec lui, c’est l’ensemble de l’équipe de travail qui perd en performance.
Mais, pire encore, certaines questions sont tout bonnement blessantes, voire humiliantes et ne font que fragiliser un peu plus un salarié en difficulté :
« Comment se fait-il que vous n’êtes pas parvenu à atteindre vos objectifs ? »
Le collaborateur se sent obligé de se justifier et comparé aux autres, qui font manifestement mieux que lui.
À la place, le manager peut dire : « Que pourrait-on faire pour améliorer ça ? »
« Pourquoi êtes-vous encore en retard ? »
Le collaborateur culpabilise, alors que, s’il est régulièrement en retard, il y a forcément un problème plus profond que le bus raté ou la fausse panne de voiture : démotivation ? désengagement ? problèmes personnels ?
Au lieu de l’enfoncer, il faut chercher à comprendre le malaise plus profond que sous-tendent ces retards à répétition.
« Vous pensez vraiment que votre idée est bonne ? »
Le manager insinue que la suggestion est mauvaise, sans chercher plus loin. Une clé particulièrement efficace de démotivation ! Pourquoi dénigrer quelqu’un qui met de la bonne volonté à faire des propositions et à prendre des initiatives ?
« Vous ne voyez pas un défaut là ? »
Le collaborateur est décrédibilisé et démotivé par l’attaque, qui ne laisse que peu de place à un échange sur la balance avantages/inconvénients de son initiative.
L’exercice n’est pas toujours simple lorsque l’on a pris de mauvaises habitudes, mais en faisant l’effort de s’observer en train de manager, on rectifie petit à petit les réflexes verbaux délétères.
Pour éviter d’alimenter le déjà conséquent fléau du désengagement et de l’absentéisme, il appartient donc aux encadrants de privilégier au maximum un questionnement managérial fondé sur l’écoute active, afin d’identifier en amont les enjeux primordiaux d’une bonne communication interne, et aller dans le sens de l’harmonie collective.